Création de la notice : René Bianco

Bi 0652

Le Cri du peuple

organe socialiste révolutionnaire


Parution : 1878-1879



Le prospectus de mai 1978 proposant la parution du journal :

Le Cri du Peuple

ORGANE SOCIALISTE-RÉVOLUTIONNAIRE
 
Sous ce titre, le Cercle l’Étincelle fera paraître prochainement un journal.
Voici son programme et sa raison d’être :
 
L’heure à laquelle le Cercle l’Étincelle décida de publier un journal, était depuis longtemps venue.
Chacun des membres sentaient cette nécessité, mais hésitaient, sachant que la création d’un journal exige des forces matérielles qu’ils ne possédaient pas.
Cela se conçoit ; pour des ouvriers ne gagnant par leur travail que justement ce qu’il leur faut pour vivre, une telle entreprise est bien souvent trop hasardeuse que pour n’y pas réfléchir plusieurs fois avant de la mettre à exécution.
Le Cercle l’Étincelle seul, n’y aurait pas parvenu, si, par les ramifications qu’il a eues depuis sa fondation avec des amis d’autres localités, il ne s’était assuré leur concours moral et matériel pour l’œuvre que les membres désiraient tant de voir se fonder. C’est ainsi que par les forces que nous possédons maintenant, résultat des adhésions reçues, que nous nous faisons un devoir de créer un journal qui paraîtra prochainement tous les quinte jours, et qui aura pour titre : LE CRI DU PEUPLE.
Il nous reste maintenant à dire quels sont les motifs qui nous ont obligés à créer ce journal et quelle sera sa ligne de conduite.
Il y aura bientôt deux ans que les Socialistes belges sont divisés relativement sur la route à suivre pour arriver à l’émancipation des opprimés. Les uns, voulant faire de l’agitation politique et réclamer près du Gouvernement les reformes qui, suivant eux, répondent à la nécessité du moment. Les autres au contraire, pensant que, si le peuple se laissait entraîner sur ce terrain, il suivrait un chemin tout-à-fait opposé à ses intérêts et inévitablement le conduirait dans un impasse où il n’y a à recevoir que déceptions sur déceptions.
La première opinion est représentée et préconisée par la presse ; tandis que nous, partisans de l’abstention politique, nous nous voyions dans l’impossibilité d’exprimer nos idées à ce sujet.
En effet, que voyons-nous en Belgique ?
Nous voyons les journaux socialistes existants, se ralliez- au mouvement politico-social de nos compagnons des Flandres.
Tous s’acharnent à vouloir créer un quatrième parti politique en Belgique.
Tous veulent,, par tous les moyens possibles, avoir quelques réformes, quelle qu’en soit la nature et la provenance. Ils disent : Commençons par le commencement. Demandons d’abord (car ils veulent demander) l’abolition du travail des enfants, puis nous demanderons le suffrage universel, etc., etc. ; ensuite nous arriverons à établir la propriété collective et le reste. Enfin, tous ne veulent plus faire de la question économique, du rapport entre le travail et le capital, qu’une question secondaire qui doit venir selon les uns, après la politique, et devrait marcher de pair selon les autres.
Pour mieux nous faire comprendre, nous dirons, qu’il y a des politiqueurs qui veulent transformer l’État existant de la Société en y introduisant progressivement des éléments socialistes et ainsi parvenir à une majorité dans la Chambre des Représentants, de façon à pouvoir faire la loi.
Suivant les autres politiqueurs, ils se serviront seulement de leurs représentants pour faire de l’agitation populaire, pour protester contre les lois arbitraires qu’on voudrait introduire et enfin pour faire de la propagande. Nous ne sommes pas plus partisans des uns que des autres.
Assez souvent nous et nos prédécesseurs, avons essayé de demander des. réformes par des pétitionnements et de. faire valoir nos droits par des moyens légaux ; nous avons toujours été accueillis avec indifférence, avec dédain et même avec violence que pour nous laisser bercer par des illusions pareilles.
Nous avons toujours vu les représentants défendre leurs intérêts ; quelquefois ceux de leurs commettants, mais jamais ceux du travail.
Nous ne pouvons pas non plus lier la question économique à la question politique, elles n’ont aucun rapport.
Ne reconnaissant aucune forme de gouvernement, nous ne lui reconnaissons aucune espèce de droit de réglementer les rapports entre le capital et le travail.
Nous ne voulons pas non plus, faire croire aux ouvriers, qu’avec le suffrage universel, ils arriveraient à changer leur position. Qu’on en prenne l’exemple dans les pays étrangers qui jouissent de cette-loi ; ils ne peuvent l’exercer en leur faveur, grâce au manque de liberté qui se trouve de plus en plus restreinte par la misère toujours croissante qui se fait sentir dans le peuple.
C’est à l’heure où des centaines de mille d’ouvriers sont dans la souffrance ; où des milliers de bras chôment faute de travail, où la classe ouvrière toute entière languit dans de misérables taudis, que l’on vient parler aux travailleurs de moyens légaux et de luttes politiques.
Non, non, cela n’est pas possible ; les ouvriers ne vous écouteront pas. Une nécessité pressante se fait sentir cher eux et cette nécessité est celle de remplir leur armoire qui est vide depuis longtemps.
Le journal que nous allons publier, aura donc pour but de pouvoir développer avec notre bon sens habituel, nos idées sur la question qui occupe en ce moment tous les travailleurs et qui est l’objet de nos divisions.
Comme nous l’avons dit plus haut, le titre que nous avons choisi est le CRI DU PEUPLE.
Voilà pourquoi : Nous ne considérons comme peuple que la classe des déshérités ; cette classe qui est la grande majorité de l’humanité, ne demande pas mieux que de sortir le plus tôt possible de sa situation actuelle.
Nous pensons répondre au désir de nos compagnons d’esclavage, en combattant la lutte légale et rester sur le terrain révolutionnaire.
Nous, qui sommes de cette partie de la Société, qui doit supporter toutes les charges et encore souffrir d’une misère qui nous rend étiques et nous écrase complètement, nous ressentons mieux la nécessité d’abandonner les demies mesures et lutter avec persévérance pour faire disparaître la vieille Société corrompue jusque dans ses fondements et créer une nouvelle qui fera le bonheur de l’humanité.
Nos philosophes qui n’ont jamais manqué du nécessaire, emploient tous les moyens pour se créer des places dans la diplomatie ; nous tâcherons de faire voir aux travailleurs où tendent leurs filets afin de les empêcher de s’y faire prendre.
Notre journal aura donc pour but de combattre tous ces mouvements politiques en préconisant l’abstention en cette matière.
Pour la question de principes, nous sommes collectivistes ; la propriété privée étant un vol, comme l’a très bien dit Proudhon, nous ne nous lasserons de lui faire la guerre ; seulement, nous laisserons à nos collaborateurs le soin de déterminer eux-mêmes, l’organisation de la Société future. Nous accepterons toute polémique pour autant qu’elle soit raisonnée et sérieuse.
Comme nous ne voulons pas assurer le triomphe de nos principes en châtiant les individus, mais bien les abus qui existent, nous n’insérerons rien dans notre journal qui aurait trait à la conduite privée de tels ou tels patrons, contremaîtres, etc. ; seulement, là où des abus existeront, nous les ferons connaître d’une manière générale, mais nous aurons soin d’envoyer notre journal aux personnes qui se seront rendues coupables en les tolérant chez elles.
Nous donnerons dans chaque numéro de notre journal un résumé du mouvement ouvrier et quoi qu’étant ennemis des grèves, nous renseignerons nos compagnons de l’étranger, des grèves qui pourraient se produire en Belgique et ceux de la Belgique, de celles qui se produiront à l’étranger.
Nous tenons aussi à faire remarquer que nous nous rendrons solidaires de tous les mouvements révolutionnaires insurrectionnels qui surgiraient dans le monde entier, nous réservant le droit de nous enquérir de toutes les vérités possibles y concernant.
Nous étudierons la question sociale ; nous l’approfondirons du mieux que nous le pourrons, et tâcherons de l’expliquer le plus clairement possible, avec le langage ouvrier qui nous est familier, ayant l’espoir que nous serons compris des compagnons qui nous feront l’honneur de nous lire.
En philosophie, nous sommes. matérialistes. De temps en temps, nous publierons des articles ayant trait à ce principe.
Notre journal sera donc socialiste-révolutionnaire et anti-religieux.
 
Toussaint Malempré
 
Les conditions d’abonnement sont : Un an, 2 fr. ; six. mois. 1 fr.
S’adresser au percepteur, François FILS, rue de la Montagne, 41, à Verviers.
 
Émile Piette, impr. et relieur, Verviers


Journal du cercle anarchiste L’Étincelle (créé le 1er novembre 1876). Il sera suivi du journal La Persévérance en aout 1880.

Parutions :

  • prospectus de lancement (1878, mai)
  • Année 1
  • nº 1 (1878, 7 juil.)
  • nº 2
  • nº 3 (1878, 4 aout)
  • nº 4
  • nº 5
  • nº 6 (1878, 15 sept.)
  • Année 2
  • nº 1
  • nº 2 (1879, 18 janv.)
  • nº 3
  • nº 4
  • nº 5
  • nº 6
  • nº 7
  • nº 8
  • nº 9
  • nº 10
  • nº 11
  • nº 12
  • nº 13 (1879, 21 juin)