Création de la notice : René Bianco

Bi 0235-0236

Le Bandit du Nord

organe anarchiste, paraissant tous les huit jours


Parution : 1890-1890





Présentations du titre dans le 1er numéro (dimanche 9 février 1890) :

Aux Compagnons,
En faisant paraître cette modeste feuille, nous voulons faire un effort de plus pour implanter nos idées dans la région, nous n’aspirons pas à nous répandre de parlout du moins pour le moment, nos forces ne nous permettent pas de tenter ce but. Cependant si des compagnons sont désireux d’avoir le Journal pour leurs localités nous seront heureux de le leur envoyer, mais comme nous n’avons pas les moyens d’attendre leurs fonds pour pouvoir rouler, qu’ils nous envoient l’argent d’avance ils seront servis aussitôt ; pour tous les dépositaires nous livrons à 6 francs le cent.

Notre titre
Que de réflexions, de sourires, de critiques, de quolibets, seront lancés à ce titre : Le Bandit du Nord.
Le journaliste payé pour (écrire, aiguisera sa plume de Tolède pour faufiler entre deux lignes creuses une critique vide.
Le bourgeois au gros ventre ; nous appellera fanfaron ;
L’Indifférent nous traitera ; d’original.
Enfin quelques malicieux politiciens qui s’appellent pompeusement des socialistes et qui malgré cela courent à l’autorité pour s’en… revêtir iront jaser aux ouvriers qui n’y connaissent rien que notre titre prouvera bien que nous sommes des gens de désordre et qu’il faut se méfier de nous.
Mais Un moment !… Lisez s’il vous plaît, lisez journalistes vendus, lisez bourgeois et tremblez devant la logique de ceux qui s’appellent Bandit. Lisez indifférents et sortez de votre apathie.
Lisez enfin ouvriers et en apprenant à connaître la valeur de la société, apprenez à ne plus suivre les farceurs de tout acabit qui sous prétexte de faire votre bonheur, commencent à vous cacher la vérité pour duper votre ignorance.
Avant de mettre au jour cette modeste feuille, nous avons dans une de ces fréquentations qui nous sont familières, on aucun président ne dirige nos débats, aucun secrétaire n’enregistre nos réflexions, nous avons longuement médités sur la société où nous sommes obligés de vivre, nous avons vu se jouer devant nos yeux, comme des images, fantastiques ; la misère noire des travailleurs, les haillons de leurs habits, les murs sombres de ces bastilles du capital où gémit la misère sous ; la fatigue du labeur auquel elle s’épuise, ces bastilles qu’on appelle usines, tu les connais Jacques bonhomme, nous avons vu les produits confectionnés par ces ventres creux sortir de ces enfers pour aller s’échanger contre une aisance et un luxe qui serait consommé non pas par ces producteurs, mais par un homme inactif et incapable auquel la société a donné le nom de Bourgeois ;
– Nos cerveaux indignés par ce spectacle ont encore eu la force de nous dire, ça c’est de l’honnêteté.
– Nous’ avons vu, entraînés par l’activité d’une imagination qui souffre au contact de l’injustice, nous avons vu dans une chambre ornée de cette vielle bêtise qu’on appelle Christ, où des hommes en robes étaient assis dans des fauteuils en velours, nous avons vu dans cette chambre un malheureux condamné à la prison pour avoir pris du pain.
Dans une autre à côté, un banquier en faillite ayant ruiné 7 ou 8 commerçants être acquitté, et partir chargé des fruits de ses rapines.
Une femme accusé d’adultère, comparaissant dans une de ces chambres frappe encore notre imagination, elle s’explique la criminelle, « Messieurs, mon mari me frappait, un homme bon est venu à moi et m’a offert de partager son existence, j’ai accepté », trois mois de prisons répondent les juges, et nos cerveaux assombris nous ont dit encore, ça c’est de la justice.
Oh nous avons vu bien d’autres choses encore ce jour-là, tenez, écoutez, un mariage pompeux se célébrant, le prêtre garni d’or, l’église ornée de toutes ses tentures, l’encens jeté à foison, des cierges de tout côté, puis, au milieu des chants harmonieux d’un chœur, un couple s’avançant sur les moelleux tapis étendus à l’avance sur leur passage les conduisant à l’autel. Mais… quel couple ! un vieillard, un sénateur de 50 ans, et une jeune fille de 19 ans à peine, elle, épousant un titre et lui un coffre-fort, et le père souriant d’un air fier au sortir de l’office en disant : « mon gendre le sénateur ».
Nos cerveaux nous ont dit alors, ça c’est de la morale.
Ce n’est pas tout, il manque encore un dernier tableau, le voici : c’est en hiver, la neige couvre le sol de son froid-manteau et là sur une place sont groupés une troupe d’hommes, de femmes et d’enfants, un drapeau rouge s’agite au milieu d’eux, ce sont ces misérables du début, qui ont quittés les usines où ils gémissaient et viennent demander 50 centimes de plus par jour pour nourrir leurs enfants. Mais hélas, leur manifestation n’est pas de longue durée, dans le fond d’une rue large une autre troupe d’hommes s’avance, ils portent un pantalon rouge, ils arrivent, ils sont là, leur chef alors d’une voix sèche fait croiser la baïonnette, et serviles ils obéissent, « en avant » c’est le deuxième commandement et cette masse s’avance sur les misérables affames qui apeurés fuyent dans toutes !es directions, les faibles, les femmes, et les enfants sont foulés aux pieds par ces bourreaux inconscients, et l’ordre a triomphé.
Alors nos cerveaux nous dirent pour une dernière fois : c’est l’armée de la patrie.
Épuisés, indignés, et révoltés tout à la fois par l’examen que nous venions de faire de cette triste société, nous nous consultâmes des yeux, puis après, un moment de silence, l’un de nous comprenant nos pensées se leva et nous dit :
Compagnons, l’honnêteté, la justice, la morale, la patrie, tout ça c’est tellement odieux que nos cœurs ne peuvent vivre sous ces drapeaux, il vaut mieux nous appeler BANDIT.

Notre but
En livrant au public cette modeste feuille, nous avons un but tout différent de celui des autres feuilles de la presse à la mode qui ne sont qu’une classe de parasites tout, au moins aussi dangereux que les Bourgeois et les gouvernements qu’ils soutiennent.
Gens de tout acabit réduisant ce qu’il y a de plus beau dans l’homme : la pensée, à l’état de vulgaire outil, et le droit de défendre des idées à un métier honteux frisant la prostitution, écrivant tour à tour pour tes opportunistes, les radicaux ou les réactionnaires, quelquefois pour tous à la fois, ils mangent à toutes ces gamelles comme à celle des fonds secrets, frippes lippes éhontés ils n’ont qu’un seul but entretenir l’ignorance, un seul moyen le mensonge ou la calomnie.
Devons-nous suivre une semblable conduite ? Non, nos moyens d’abord ne nous permettent pas de vivre de notre propagande et si nos moyens nous le permettaient nous ne le ferions pas parce que nos convictions nous le défendent.
Non nous ne pouvons être des salariés de nos journaux, parce que nos rédacteurs sont l’ensemble de tous les opprimés, de toutes les victimes, ils sont la foule des inconnus qui souffrent, nous faisons appel à leur collaboration et nous les assurons que chaque fois qu’un écrit nous parviendra dès l’instant qu’il contiendra une plainte, l’indication d’un mal, le remède pour le détruire, nos colonnes lui seront ouvertes.
Parce que nous n’avons qu’un but, l’opposé de celui de la presse bourgeoise, LA. DESTRUCTION DE L’IGNORANCE.
En inscrivant les maux de la société et les remèdes à leur destruction nous voulons être une sorte de pharmacie sociologique où tous les souffrants de la société, pourront puiser.
En inscrivant les griefs et les vengeances des meurts de faims d’un côté et les infamies des dirigeants de l’autre nous voulons faire un registre de doit et avoir afin de préparer le compte de la liquidation sociale qui approche et qui s’appellera Révolution.
À ceux qui possèdent, à ceux qui dirigent la société et qui sur nos registres seront inscrits en débiteurs d’employer tous leurs moyens à nous démolir, ils sont outillés pour ce travail ; ils ont toute une armée.de valets, qui s’appellent sergots, mouchards, procureurs, juges, une série de chambre qu’on appelle cabinet noir, violon, parquet, assises, un tombeau qu’ils appellent prisons, qu’ils s’en servent, qu’ils frappent sans pitié c’es, leur rôle.
Mais à ceux qui sont les affamés, les orphelins, les, veuves, les exploités de tous genres, depuis le manœuvre jusqu’à l’employé et qui sur nos registres s’appelleront Créanciers de nous suivre, de nous soutenir dans notre lutte et d’atteindre notre but la Révolution qui détruira l’injustice et l’anarchie qui donnant la liberté laissera développer la vérité.
À bon entendeur salut.

Aux littérateurs
Compagnons, ce journal est modeste, il veut se cramponner et réussi a peut-être, vous pouvez lui être utile, votre éloignement n’est pas un obstacle, il y a ici des milieux qui ont besoin d’être remués, développés à l’aide de plumes chaudes, piquantes, glissantes, énergiques, Unes, déliées, allons collaborateurs de l’Attaque, du père Peinard vieux copains daignez y jeter un coup de plume, vous avez là un rejeton il faut le nourrir, envoyez-lui quelques gouttes de bonne encre, et que vos plumes nerveuses viennent le réchauffer dans sa retraite des froides régions du Nord.
Nous attendons.

 Liens de localisation
BnF : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32709783g

L’Attaque nº 60, du 22 février au 1er mars 1890 écrit :

« Pour des raisons purement administratives, le Bandit du Nord suspend sa parution, mais il annonce que, dans une quinzaine, trois semaines au plus tard, il reparaitra plus solide que jamais.

Que les compagnons ayant à cœur l’existence de ce journal continuent à lui venir en aide, et qu’ils adressent leurs correspondances à Vercruysse, 21, rue de Fourcroy, à Roubaix. (Nord). »

Notice Presse locale ancienne HdF : Le Bandit du Nord. Organe anarchiste

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