Création de la notice : Claude Delattre

Bi 2704-suppl.

Le Croquant

le journal qui a la dent dure, bimensuel de contre-information de Caen et sa région


Parution : 1978-1979



Caen

Croquant (Le)
Le journal qui a la dent dure ?. — Mens. de contre-information de Caen et sa région. — Caen : ASPIC [Association pour l’information et la culture à Cane]]. — nº 1 (1977, nov.)-nº 18 (1980, juin)

Impr. Édit 71 (Paris)

Archives :

  • CDA-SHA : M.L.89 (slt le 12)

Un dossier consacré à ce journal est paru dans Front libertaire nº 113 (30 juil. 1979), pages 6-7 [1].

Parutions :

  • nº 1 (1977,nov.)
  • nº 2
  • nº 3
  • nº 4
  • nº 5
  • nº 6 (1978, juin)
  • nº 7 (1978, sept.-oct. ?)
  • nº 8
  • nº 9
  • nº 10
  • suppl. au nº 10 : La Croquante, « spécial femmes »
  • nº 11 (1979, mars)
  • nº 12 (1979, mai) — nº spécial Les Croquants — communauté ADLAA
  • nº 13 (1979, juin ?)
  • tract bilan du 3e concert de soutien
  • nº 14
  • nº 15
  • nº 16
  • nº 17
  • nº 18 (1980, juin)

Notes

[1

Le Croquant

Dans ce numéro de Front libertaire, la Commission Journal avait l’intention de faire un dossier sur la presse de contre-information. Malheureusement, les problèmes du journal ne nous l’ont pas permis, Malgré tout, en plus de la rubrique habituelle de contre-info, FL publie un texte sur la vie d’un de ces journaux : Le Croquant, qu’il nous a envoyé sur notre demande. Bonne lecture

Historique
Le Croquant,« le journal qui a la dent dure », mensuel de contre-info de la région caennaise est né au joli mois de novembre 1977. Il en est aujourd’hui à son treizième numéro, Mais quede bouleversements, entre temps !…
L’équipe fondatrice, qui a aujourd’hui totalement disparu, a animé le journal jusqu’au numéro 6 (juin 78) avec énormément de difficultés, l’intention première étant de faire prendre en charge le journal par ses lecteurs, de refuser de faire du « journalisme ». Intention louable, mais qui s’est vite révélée caduque, comme le montre la courbe des ventes parue dans le numéro 6 :

Numéro 1 : 1.200 exemplaires vendus
Numéro 2 : 800 exemplaires
Numéro 3 : 650 exemplaires
Numéro 4 : 500 exemplaires
Numéro 5 : 400 exemplaires.

À noter que les numéros 3,4, 5 et 6 ont été réalisés par quatre personnes seulement. Juin 78 voyait paraître le numéro 6 et il était alors peu probable que Le Croquant réussisse à repartir à la rentrée.
Septembre/octobre 78 : Appel au secours du journal sous forme d’ultimatum : « Si vous ne voulez pas venir bosser avec nous, nous coulons ! », Réunion d’une quarantaine de personnes et arrivée des membres de l’équipe actuelle. Cette rentrée 78 marque un tournant, un changement d’orientation, l’idée d’un « journal pris en charge par ses lecteurs » est abandonnée ; désormais, Le Croquant ira chercher et transmettra l’information (enquêtes, dossiers) sans pour cela fermer ses portes à ceux qui veulent prendre la parole.

Extrait de l’éditorial du numéro 11 (mars 79) :
« L’expérience montre que si elle peut paraître plus juste à beaucoup d’entre nous, la conception de la contre-info qui veut qu’elle soit complètement prise en charge par ses lecteurs n’est pas viable […]. L’information ne viendra malheureusement pas à nous toute seule (pas encore, disent certains). C’est pourquoi,il nous faut pour l’instant aller au devant d’elle pour donner un contenu et une valeur au journal, et c’est seulement si nous arrivons déjà à obtenir un contenu par nous-mêmes — donc à acquérir une certaine crédibilité —, que l’information pourra commencer à venir vers nous ».

Le numéro 8, en prise directe sur l’actualité politique caennaise (les manifestations des 15-17 novembre, l’affaire de la Pierre Heuzé) est caractéristique de ce changement d’orientation. Battage et publicité, la courbe des ventes remonte. Le Croquant a trouvé son second souffle. Il s’agissait dès lors de maintenir son intérêt et la qualité des numéros, et nous y sommes parvenus avec plus ou moins de bonheur (effort de présentation, améliorations techniques au niveau de la maquette, dossiers, etc.).
Le système des dossiers (ex. : dossier CHU dans le numéro 10) a permis un élargissement incontestable du public ; ainsi, il n’était plus si rare de voir des « personnes d’un certain âge » acheter notre journal (travailleurs du CHU, par exemple). Les ventes tournent actuellement autour de 800-1.000 exemplaires, ce qui correspond à environ 3.000-4.000 lecteurs.

Fonctionnement :
L’équipe du Croquant compte une quinzaine de personnes, plus ou moins investies dans le journal, selon leur disponibilité. L’impossibilité de trouver un local décent nous a obligés à fonctionner sur la base d’une réunion hebdomadaire, pendant laquelle nous abordons tous les problèmes : répartition des enquêtes et réalisation des dossiers, répartition des tâches pratiques (dépôt en kiosques, ventes militantes, courrier, contact avec le public, etc.). Nous avons cruellement souffert de l’absence d’un local,indispensable pour tout contact avec l’extérieur (informateurs éventuels, etc.).
Une fois la « matière » réunie, nous abordons les deux ou trois journées fatidiques : la réalisation de la maquette, qui se déroule chez celui ou celle qui a le plus vaste appartement : cliquetage infernal de 4 ou 5 machines à écrire, sol jonché de morceaux de papiers divers, photos, morceaux d’articles, dessins, etc., tasses à café sales, bref, une foire gigantesque, épuisante, exaltante. Discussions acharnées à trois heures du matin pour savoir quel article passera en priorité, quel est le dessin ou la photo qui colle le mieux, quel choix effectuer (car bien souvent on se trouve avec beaucoup plus de « prose » que ne peut en contenir le Croquant, qui est d’ailleurs passé de 16 à 28 pages. Signalons,par rapport à ces discussions qui se posent au Croquant, comme ailleurs, un problème de pouvoir personnel au niveau de la parole, auquel nous n’échappons pas ! Une fois la maquette bouclée, elle est envoyée à Paris, chez EDIT 71, le prix des imprimeries régionales ne nous permettant pas de faire autrement, ce qui oblige deux ou trois copains à aller une fois par mois chercher le canard,Les problèmes de diffusion réglés, il faut déjà songer au contenu des numéros suivants … et le cycle diabolique recommence !

Les finances :
Investissement de départ : 4.000 F. Ils n’ont toujours pas été épongés. Nous payons Le Croquant d’un numéro sur l’autre. Les cordons de la bourse sont très serrés. Où trouver du fric ?

Les concerts de soutien
Trois concerts ont eu lieu au bénéfice du Croquant. Si les deux premiers furent peu brillants (1.000 F de bénéfice), le troisième a été catastrophique et a soulevé de lourds problèmes par rapport au public auquel s’adresse le plus Le Croquant.
Victime de son image de marque ? dépassé par les événements ? Le Croquant s’est ramassé un gros bouillon ! Le concert a pourtant attiré 1.000 personnes, mais il n’y a eu que 450 entrées payantes (20 F pour deux groupes : Overdose et Imago). Des entrées de force ont été organisées toute la soirée (7 juin 79) ; la caisse de la buvette a été volée… Résultat : un déficit de 2.000 F ! Il nous a été ainsi impossible de sortir le numéro 14 qui était cependant prévu et presque achevé. À la place de ce numéro, un simple tract tirant le bilan du concert : - entrées en force massives parce qu’on sait que Le Croquant n’est pas le KCP, volonté délibérée de nous couler pour certains ? La question reste posée… Cet échec financier ne nous empêchera pas de reparaître à la rentrée. On a encore la dent dure !

Acquis et doutes :
En quoi avons-nous progressé depuis le numéro 8 ? L’équipe a d’abord le sentiment d’avoir acquis une certaine crédibilité. Il est courant, aujourd’hui, d’être contactés par des organisations ou des associations afin d’assister à des débats ou au déroulement de certains événements. « On » pense au Croquant, « on » veut qu’il soit présent.
Quoique encore insuffisants, les contacts avec ces mêmes organisations ou associations sont de plus en plus fructueux. En bref, le journal a réussi à faire son trou au sein de la vie politique caennaise. Nous ressentons, malgré cela, la difficulté qu’il y a à se créer un réel réseau d’informateurs, l’un des objectifs de la rentrée prochaine.
À noter aussi un durcissement du langage, qui est parfois un appel direct à l’inculpation. Mais ne nous leurrons pas, si nous pouvons à peu près dire tout ce que nous voulons, c’est en grande partie parce qu’un procès nous ferait actuellement beaucoup plus de publicité que de mal. Le langage se durcit, cela veut dire que le Croquant se définit politiquement comme étant un journal AUTONOME, non pas fait par des autonomes, mais réellement autonome, même si cela doit faire hurler certains !
Rappelons enfin que Le Croquant a fait une expérience intéressante : prêter son nom à des groupes de personnes désirant faire un numéro, le prenant totalement en charge, de la réalisation au financement. Ce sont les numéros spéciaux tels que : La Croquante, entièrement réalisé par des groupes de femmes de Caen ; Les Croquants, réalisé par une communauté (la communauté ADLAA) de la région, sur les aspects de leur vie quotidienne.
Cette expérience a posé quelques problèmes, mais nous comptons la poursuivre. Les doutes… ils sont dus en grande partie à un essoufflement des membres de l’équipe, la lourdeur des tâches pratiques fait reculer certains d’entre nous, l’impression de faire toujours la même chose (de stagner ?) mine beaucoup d’énergies. C’est pourquoi nous comptons fermement sur un apport de « sang neuf » à la rentrée. Nous espérons voir de nouvelles têtes. L’équipe en a grand besoin, d’abord pour s’étoffer, et pour bénéficier d’un nouveau dynamisme.
Ceci afin que continue à vivre, sur Caen et dans la région, un journal de contre-info indispensableàla vie politique, et qui s’inscrit dans le même phénomène d’où sont sorties les radios pirates : créer à côté des mass media des grandes campagnes de presse et d’information, une information libre et indépendante, ouverte à tous ceux que la « démocratie avancée » n’écoute jamais. Nous voulons que Le Croquant vive !
À ce niveau, nous réaffirmons que Le Croquant est toujours favorable à une rencontre nationale de la contre-information, qui serait beaucoup plus profitable à notre avis que les très éternels et très limités échanges de presse entre différents canards de contre-info.