Création de la notice : René Bianco

Bi 0312

Bulletin de la Fédération révolutionnaire

 


Parution : 1909 (nov.)



Manifeste de la Fédération Révolutionnaire

Créée à Bruxelles le 15 août 1909

Aux travailleurs

La classe ouvrière belge se désintéresse encore trop du sort qui lui est fait. Trop souvent, elle se courbe docilement sous la férule de ses maîtres ; trop souvent, elle assiste indifférente à la perpétration dès pires injustices.

Pourtant la vie du travailleur ne s’est guère améliorée. Politiquement, son intervention est vinculée ; économiquement, il est traité en paria. La plus avantageuse réforme qu’il a pu obtenir, c’est une pension de 18 centimes par jour. Quant à la journée de 8 heures, sa conquête reste problématique. Aussi la misère matérielle, physique, intellectuelle et morale même continue-t-elle à exercer ses ravages dans les masses. Les longues et exténuantes journées, les salaires insuffisants font la partie belle à la dégénérescence physiologique, dont là tuberculose et l’ankylostomasie sont des effrayants effets. Le nombre des illettrés reste considérable et les jouissances intellectuelles et artistiques continuent à être ravies aux travailleurs.

Le travail qui pourrait être une mise en pratique rationnelle des facultés humaines continue à être un exercice de forçat, rendu dangereux par la négligence des précautions les plus élémentaires et récompensé le plus souvent par les chômages et les crises industrielles.

L’usine est restée un bagne et la vie un enfer.

L’encasernement, la prostitution, l’alcoolisme, les préjuges forment toujours le lot des ouvriers, asservis qu’ils sont par la vénalité du capitalisme et l’insolence de la force brutale.

Cette situation va-t-elle perdurer longtemps encore ?

L’émancipation des travailleurs n’est-elle pas possible ? Faut-il désespérer du mouvement ouvrier ?

Il y a des moments où l’on serait tenté de le croire.

Il fut un temps où la classe ouvrière paraissait mieux en marche vers sa libération. Il fut un temps où elle montrait de l’énergie pour conquérir sa place au soleil ; il fut un temps où elle faisait trembler ses maîtres et vaciller le pouvoir.

Ce temps n’est plus, mais ne peut-il revenir ?

Nous pensons que si Il est possible de secouer l’engourdissement passager de la classe ouvrière et de lui rendre l’enthousiasme et l’énergie de jadis, car les travailleurs sont toujours aussi désireux de conquérir leur part de bonheur.

L’apathie actuelle est due à des causes qu’il est aisé d’écarter. C’est l’action électorale qui a énervé le mouvement socialiste. Oublieux de la parole de Marx : « Prolétaires unissez-vous » les travailleurs se sont divisés en une foule de partis, alors que pour eux il ne devrait en exister qu’un seul : le parti de classes. Ils ont pris la dangereuse habitude de confier à des mandataires le soin de faire leurs affaires, alors que le même Karl Marx leur avait crié : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »

Sous l’influence des combinaisons et des promesses parlementaires, la tradition vraiment socialiste se perd jusque clans le ministérialisme.

Les aspirations populaires se concrétisent en des revendications puériles, l’esprit réformiste et temporisateur annihile l’esprit de révolte,rend les masses inertes et indifférentes aux tentatives de conciliation sociale ; comme s’il était possible de concilier des intérêts aussi inéluctablement antagoniques que ceux des exploités et des exploiteurs.

Il faut à tout prix remonter ce courant.

Des hommes de cœur ne peuvent rester insensibles à ce spectacle ; les socialistes vraiment conscients se doivent à leurs idées de rendre aux ouvriers cette confiance en eux-mêmes, et en leur idéal,qui leur permettra de jeter bas une société corrompue qui ne sonnait : que l’odieux triomphe de l’argent.

Pour cela, il faut recommencer. à semer à pleines mains les idées émancipatrices. Dans les groupes et dans les syndicats, il faut replacer la bataille sociale sur son véritable terain : celui de la classe ; il faut rappeler au travailleur que le maître est son ennemi, et qu’il n’y a pas de paix sociale possible tant qu’il existera des exploités et des exploiteurs ; des gens ayant trop peu et d’autres ayant trop.

Il faut viriliser à nouveau le mouvement ouvrier et reprendre là devise du socialisme intégral : Guerre aux exploiteurs ! à la société capitaliste ! à bas le salariat !

Camarades, syndicalistes, socialistes, libertaires, c’est à cette action décisive, féconde et libératrice que vous convie la Fédération Révolutionnaire.

Se plaçant,au-dessus des stériles querelles de sectes, elle fait appel à tout les socialistes sincères, à tous ceux qui entendent œuvrer à l’émancipation humaine.

Aux syndicalistes, aux socialistes, aux libertaires, elle déclare : « Votre action ne peut aboutir réellement qu’à condition de vous placer nettement sur le terrain de la lutte de classes et d’employer les méthodes d’action directe ».

Aux syndicalistes elle déclare : « l’action corporative, n’est pas tout le syndicalisme ; les ouvriers d’un corps de métier ne peuvent séparer leurs intérêts de ceux des travailleurs des autres corporations. L’émancipation d’une catégorie de travailleur est étroitement liée à l’émancipation de la classe ouvrière tout entière. »

Aux socialistes parlementaires et réformistes, la F. R. déclare : « D’après vos propres déclarations, l’action parlementaire et les réformés ne sont que de petits côtés de !a question ; le socialisme a un but, autrement important et qui consiste en une transformation radicale de la société actuelle. Retrempez votre activité aux..sources de notre idéal. »

Aux libertaires, elle dit : « Votre propagande philosophique ne rime à rien si elle ne vise à faire de chaque travailleur un homme conscient, et de ces hommes conscients un faisceau, une force agissante. »

Aux uns et aux autres, la Fédération Révolutionnaire déclare qu’elle n’a aucunement en vue de détruire des organismes déjà. existants ; elle désire, au contraire. ; les compléter et en créer de. nouveaux ; qu’il ne s’agit pas d’assurer la suprématie de telle ou telle secte, mais de propager les idées fécondes du socialisme intégral.

Ce qui manquait jusqu’à présent, c’était un organisme absolument indépendant, suffisamment souple et mobile pour, dans tous les milieux, maintenir haut et terme le drapeau du socialisme intégral, et qui ne se laisserait pas influencer par les contingences : un organisme qui serait un foyer rayonnant notre idéalisme socialiste ; un organisme qui serait un foyer d’esprit de révolte, d’énergie, de propagande d’action directe.

Cet organisme, nous venons de le créer. À vous, syndicalistes, socialistes, libertaires, désintéressés et de bonne volonté, de lui apporter l’appui de votre concours.

Pour la Section Bruxelloise de la F. R. :
Le comité,
A. Léoto, A. Mathay, L. Philips, F. Springael, G. Thonar.

Déclaration de principes

La Fédération Révolutionnaire :
1. Considérant que le but du Socialisme intégral est l’instauration d’un milieu social dans lequel chacun produira selon ses forces et ses facultés et consommera selon ses besoins ;
2. que la réalisation totale ou parcellaire de cet idéal est incompatible avec le maintien du régime capitaliste, divisant la société en deux classes inéluctablement antagoniques : qui exploite, l’autre qui est exploitée ;
3. que si cette transformation sociale sera favorable à l’humanité tout entière, elle est néanmoins contraire aux intérêts immédiats de la classe capitaliste et que celle-ci s’y oppose par tous les moyens, y compris et surtout par la violence.
4, La Fédération Révolutionnaire constate : a) que l’émancipation des travailleurs ne deviendra réelle que par l’abolition du système capitaliste ; b) que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-même s ; c) que l’émancipation des travailleurs sera conquise essentiellement par l’action directe.
5. En conséquence, la Fédération Révolutionnaire se donne pour but : a) de propager l’esprit de révolte et la critique de la société capitaliste ; b de grouper les travailleurs dans des organismes économiques basés sur la lutte de classe, d’exploités à exploiteurs, ou d’appuyer tout mouvement de l’espère ; c) de participer d’une manière active à tous les conflits qui peuvent surgir entre ces deux classes.

Extraits des statuts
A. — La Fédération Révolutionnaire est constituée par les sections adhérentes.
B. — Pour faire partie d’une section de la F. R., il faut adhérer à la Déclaration de Principes et être admis par une assemblée générale de la section.
C. — Tout membre en retard de trois mois dans le versement de ses cotisations, sans raison plausible, est considéré comme démissionnaire.
D. — La caisse fédérale sert à assurer la propagande dans les endroits où son appoint est indispensable.

Le Le Secrétaire Fédéral,
J. Bonnart à Court-St-Etienne (Brabant)

Imp. Baré Debehogne. r. de Fiennes, 63, Bruxelles



Parutions :

  • nº 1 (1909, nov.)
  • devient Le Combat social : organe de la Fédération révolutionnaire
  • nº 2 (1909, déc.)
  • nº 3 (1909, févr.)