Création de la notice : René Bianco

Bi 0556

Le Combat social

organe d’action directe


Parution : 1912-1912



Annonce en « une » du premier numéro (2 avril 1912) :

Notre programme

 
En faisant paraître notre premier numéro, il nous paraît utile de dire en quelques mots ce que nous sommes, pourquoi nous paraissons et ce que nous comptons faire.
 
Ce que nous sommes
 
Avant tout, nous sommes des gens épris de justice et de liberté, profondément révoltés par les iniquités sociales que nous constatons autour de nous. La classe ouvrière croupit dans une situation misérable qui ne peut perdurer. Le travailleur est méprisé, il vit dans le dénuement, l’incertitude du lendemain et sa vie reste un long calvaire ; les bas salaires et les chômages en ont fait une victime qui ne connait de la vie que ce qu’elle à de particulièrement atroce : l’ignorance et la misère.
 
Il semble qu’on ne s’étonne plus des injustices les plus criantes : les magasins regorgent de produits tandis que les objets de première nécessité manquent au logis du ’travailleur, pendant que l’anémie et la tuberculose s’installent à son foyer.
 
Il y aurait un réquisitoire interminable à dresser contre l’état de choses actuel. Nous ne le referons pas ici, nous le rappelons simplement pour faire remarquer combien il est urgent que cela change.
 
Évidemment les individus ne sont que relativement responsables de cette situation. Ce gui vicie les relations entre individus et détermine le malaise social, c’est le capitalisme et son corollaire le salariat. Le salariat est le pivot de la société capitaliste, c’est lui qui détermine les institutions bourgeoises dont nous avons tant à souffrir et c’est lui qu’il faut supprimer si l’on veut abolir la douleur universelle.
 
Il ne faut donc pas borner notre action à la conquête de ces réformes dont toute l’efficacité est dans l’apparence. A des causes profondes, il faut des remèdes profonds. Nous sommes conscients de la nécessité de transformer d’une manière complète le système social actuel, nous sommes donc des socialistes dans le sens intégral du mot.
 
En second lieu, l’expérience nous enseigne que cette transformation ne peut pas s’opérer par l’intervention des méthodes de paix sociale, d’entente entre le capital et le travail, de collaboration parlementaire. Le procès de l’action parlementaire n’est plus à faire auprès des socialistes conscients, on sait trop !combien elle est stérile au point de vue des résultats que la Classe ouvrière peut en attendre. Ce qu’elle produit de plus clair, c’est d’émasculer le prolétariat, de lui faire perdre son énergie, sa foi en lui-même, et — surtout par le développement effréné d’une cartellite aigüe — de lui faire perdre sa conscience de classe. Partout, la classe ouvrière en revient à la pression énergique, à l’action directe sans personnes interposées, à la politique du poing fermé. Nous sommes donc des Révolutionnaires.
 
Pour accomplir cette besogne dans de bonnes conditions et pour en obtenir un maximurn de résultats, nous savons qu’il ’est indispensable que les prolétaires soient groupés, qu’ils unissent leurs, efforts. Et comme un mode de groupement s’offre tout naturellement à eux pour maintenir le combat sur son véritable terrain, celui de la lutte de classes, et que ce groupement c’est le syndicat, nous sommes syndicalistes.
 
Le syndicat, d’ailleurs, n’est-il pas, la véritable école où les travailleurs apprennent à connaître leur véritable ennemi ; ceux-ci placés sur le terrain exclusivement économique ne tardent pas se rendre compte que la religion, l’armée, la magistrature ne sont que des outils que le capitalisme emploie pour maintenir les exploités en servitude ; leurs yeux se décillent fatalement et, si ignorants soient-ils, ils sont automatiquement amenés à cette conclusion que leur ennemi, c’est leur maître.
 
Mais démolir ne suffit pas : il faut se préparer à reconstruire. A la Société capitaliste, autoritaire et égoïste, il faudra substituer une société imprégnée de liberté et d’altruisme. D’autre part, quelle que soit l’imprécision du plan que nous ébauchions dans le présent, un idéal nous est nécessaire pour nous conserver au cœur enthousiaste sans lequel il n’est point de désintéressement, de dévouement, d’abnégation, de dévouement, d’abnégation et d’élan. Cet idéal ne pouvant, être connu que comme une organisation sociale assurant à chacun la satisfaction de ses besoins et ne lui demandant d’œuvrer que suivant ses forces et ses facultés : nous sommes des libertaires.
 
Pourquoi nous paraissons
 
Parce que les idées que nous venons d’émettre ci-dessus ont besoin d’être semées à tout vent ; parce qu’il faut un organe pour cela et que cet organe n’existait pas encore en Belgique. C’est l’expression même de la vérité que de dire qu’il n’existait pas en notre pays un organe énergique et indépendant. Tous sont affiliés à des partis politiques qui ont bien plus le souci de gagner des électeurs, de conquérir des sièges parlementaires, que de clamer la vérité ou de défendre cette vérité. La vérité est bien le cadet de leur souci, et quiconque a eu une cause juste à défendre, et a cherché à la faire connaître pas voie de presse, sait que toutes les rédactions sont fermées à celui qui ne peut faire agir une protection suffisante. La presse, comme les autres institutions est gangrenée par l’argent : la plupart des journalistes ne sont plus — à contre-cœur peut-être — que les thuriféraires des entreprises capitalistes.
 
Il fallait donc un organe nouveau, sans fil à la patte d’aucune sorte, pour faire résonner aux oreilles de la classe ouvrière le clairon révolutionnaire, et susceptible d’attirer sans relâche son attention sur la situation atroce qui lui est faite ; pour maintenir le prolétariat en haleine et le dresser devant chaque iniquité ; pour le mettre en garde contre les voies tortueuses dans le-quelles on cherche à l’entraîner ; pour lui rappeler la part qui lui incombe dans le développement -u mouvement Socialiste International. En France nous connaissons la Guerre Sociale, la Bataille Syndicaliste, les Temps Nouveaux, mais ici nous n’avons rien de semblable. Nous nous efforcerons de nous inspirer de la tactique de ces journaux, tactique dont l’excellence n’est plus à démontrer, et qu’il suffit de mettre en rapport avec le milieu dans lequel nous vivons. Enfin, il est encore une considération qui ne manque pas d’importance, c’est qu’il était urgent qu’une voix claire et nette se fasse entendre au milieu des clameurs électorales, pour rappeler au prolétariat que son émancipation doit être son œuvre. à lui-même, qu’il ne doit pas tolérer qu’elle soit entravée par des considérations parlementaires, et qu ’il doit bien prendre garde de ne pas vendre son droit d’aînesse contre un misérable plat de lentilles.
 
Ce que nous comptons faire
 
Nous apporterons un concours désintéressé aux travailleurs organisés ou qui cherchent à s’organiser pour lutter contre le patronat. Les syndicats et les syndicalistes trouveront en notre journal un organe toujours prêt à les seconder dans leur besogne, à montrer à la classe ouvrière l’attitude qu’elle doit avoir sur tous les terrains et notamment sur le terrain économique.
 
Nous comptons également ne pas épargner nos efforts pour propager les idées de liberté et d’altruisme de nature à relever le niveau moral de nos contemporains, et à leur inculquer un idéal qui fera d’eux autre chose que des envieux ou des satisfaits.
 
Disons, pour terminer, que sans ménagement aucun nous combattrons les institutions sociales actuelles et les individus qui les défendent. Nous frapperons à tour de bras sur les exploiteurs de tout acabit. Sur les capitalistes sans scrupule qui édifient leur fortune sur le travail et la souffrance de leurs exploités ; sur les mauvais bergers qui se servent de ce travail et de cette souffrance comme d’un marche-pied leur ambition et à leur esprit de lucre. Aux uns et aux autres nous administrerons énergiquement des coups de fouet en attendant que les temps soient révolus de jeter à bas tout. l’édifice.
 
Et maintenant que nous avons en quelques mots exposé ce que nous espérons faire, nous faisons un pressant appel aux hommes de bonne volonté et de conscience claire pour qu’ils viennent nous seconder.
 
Libres de toute compromission, indépendants de tout parti, ne connaissant ni coterie, ni chapelle, ni personnalités, nous nous lançons dans la mêlée.
 
Le Combat Social.
 
P.-S. — Le Combat Social continue l’œuvre entreprise par la Réforme Sociale, organe révolutionnaire publié par des camarades bruxellois qui, à la suite de circonstances indépendantes de leur volonté ne purent publier qu’un numéro.
Nous espérons que les bonnes volontés qui s’étaient groupées autour de la Réforme Sociale ne feront pas défaut à son continuateur, le Combat Social.


Parutions :

  • nº 1 (1912, 2 avr.)
  • nº 2 (1912, 9 avr.)
  • nº 3 (1912, 2e quinzaine d’avr.)